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au commerce des hommes. Quant aux autres couches plus superficielles, le torrent limoneux de la vie les a emportées. Si le lecteur se souvient du chapitre xxiii, il remarquera que pour la seconde fois je compare la vie à un torrent boueux ; mais cette fois, j’ajoute un adjectif : perpétuel. Et Dieu sait la puissance d’un adjectif, principalement dans un pays nouveau et chaud.

C’est une nouveauté dans ce livre que l’étude de la géologie morale de Lobo Neves, et probablement aussi du monsieur qui est en train de me lire. Oui, ces couches du caractère, que la vie altère, conserve ou dissout, ces couches mériteraient qu’on leur consacrât un chapitre, et si je ne l’écris point, c’est pour ne pas allonger cette narration. Je dirai seulement que l’homme le plus honnête que j’ai rencontré dans ma vie fut un certain Jacob Medeiros ou Jacob Valladares, je ne me rappelle plus bien ; Jacob Rodriguez je crois : enfin Jacob. C’était la probité en personnes. Il aurait pu devenir riche ; il lui eût suffi de vaincre un petit scrupule ; il ne voulut pas ; et il laissa échapper quatre cents contos, ce qui est un joli denier. Sa probité était tellement exemplaire, qu’elle en arrivait à être minutieuse