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phtisique, en lui laissant une fille. La jeune veuve se trouva avoir sur les bras une enfant de deux ans, et une vieille maman fatiguée de travailler. Pour faire vivre trois personnes, elle faisait de pâtisseries, cousait jour et nuit pour quatre maisons de confection, et donnait des leçons à quelques enfants du voisinage qui la payaient à raison de dix tostons par mois. Les années s’écoulèrent ainsi, non la beauté, par le simple motif qu’elle n’avait jamais été jolie. Pourtant des amoureux se présentèrent ; elle résista à leurs séductions.

— Si j’avais pu rencontrer un autre mari, me disait-elle, sûrement je me serais remariée ; mais personne ne voulait m’épouser.

Un des prétendants fut agréé par elle ; quand elle se convainquit qu’il n’était pas plus délicat que les autres, Dona Placida l’éconduisit, quitte à pleurer beaucoup ensuite. Elle continua comme par le passé à coudre et à écumer des chaudrons. Sa mère avait l’acrimonie des années, de la misère et de son propre tempérament. Elle engageait sa fille à accepter les maris de passage qui la sollicitaient et elle s’écriait :

— Tu as la prétention d’être meilleure que