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— Elle est à moi, répétai-je en riant ; et je la mis dans ma poche.

Cette nuit-là je ne me souvins plus de la monnaie ; mais le jour suivant, j’éprouvai des scrupules en y pensant, et je me demandai de quel droit j’allais garder une monnaie dont je n’avais pas hérité, que je n’avais point gagnée, que j’avais seulement trouvée dans la rue. Évidemment, elle ne m’appartenait point. Elle appartenait à celui qui l’avait perdue, riche ou pauvre, pauvre peut-être, quelque ouvrier qui en avait besoin pour donner du pain à sa femme et à ses enfants. D’ailleurs, même s’il était riche, mon devoir n’en restait pas moins le même. Je devais restituer la pièce, et le meilleur moyen, l’unique même, était de mettre une annonce dans les journaux, ou de m’adresser à la police. J’envoyai une lettre au chef de police, en lui remettant ma trouvaille, et en le priant de la faire parvenir, par tous les moyens possibles, aux mains de son légitime propriétaire.

J’expédiai la lettre, et je déjeunai tranquille ; je puis dire joyeux. Ma conscience avait tant valsé la veille qu’elle en était demeuré suffoquée