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avec une hâte, un plaisir si sincères que je me sentis tout de suite à mon aise. Je crois bien qu’elle alla jusqu’à me serrer entre ses bras robustes. Elle me fit asseoir auprès d’elle, sous la véranda, en multipliant ses exclamations.

— Comment, c’est le petit Braz ! mais c’est un homme, maintenant… Tout à fait !… et joli garçon !… Et vous, vous rappelez-vous bien de moi ?

— Comment donc !…

Était-il possible que j’eusse oublié une amie si intime de notre maison. Dona Eusebia commença à parler de ma mère avec tant de sympathie et de regrets, qu’elle me captiva tout de suite, bien qu’elle ravivât ma douleur… Elle lut mon émotion dans mes yeux, et détourna la conversation. Elle me demanda de lui conter mes voyages, mes travaux, mes amourettes… les amourettes aussi ; « je suis une vieille curieuse, je le confesse, et je suis restée bon vivant ». En ce moment, je me rappelai l’épisode de 1814, elle, Villaça, le buisson, le baiser, et mon cri d’alarme. El voici qu’une porte crie sur ses gonds, j’entends un frou-frou de jupes, et cette parole :

— Maman… maman…