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LE LIVRE DE LA FORTUNE.

d’hui encore… oh ! mais très rarement, il m’arrive d’avoir la mémoire de son parfum. C’est rapide comme un coup dé fusil.

― On va déjeuner, on va déjeuner ! chantait Pointe en brandissant sa canne.

Le repas fut parfait. Un déjeuner comme le fastueux Krühl savait en offrir. Lui-même élabora les détails de cette réjouissance. Avec un soin de bon aloi il indiqua les vins, régla leur apparition sur la table.

Au dessert, dans la fumée des pipes, chacun sentit à sa façon que la vie était digne d’être vécue, et qu’elle méritait qu’on dépensât pour la parer les plus rares ressources de la volonté.

En sortant du cabaret, cependant que Pointe allait rendre quelques visites à des amis, Krühl et Eliasar se dirigèrent vers la boutique de la mère Gadec, au bord de l’Aven.

― Je vais voir si elle a encore quelques romans anglais, dit Krühl ; pendant la saison, elle a acheté des lots quelquefois intéressants.

― Bonjour, madame Gadec.

― Bonjour, messieurs.

Elle sourit à Krühl, un vieux client, et à Eliasar, qu’elle reconnaissait.

― J’ai un dictionnaire pour vous, dit-elle à ce dernier.

― Ah ! bien merci, je vais le prendre.

Krühl se glissait déjà entre les rouets, les chaises dépaillées et les coffres afin d’atteindre