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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

sur le sol et s’en alla se loger sous le lit. Eliasar rampa et avec précaution la ramena en la glissant sur le plancher.

― C’est face ! c’est face !

Il remit la pièce dans sa poche sans éprouver aucune joie.

Devant ses yeux l’avenir se laissait entrevoir. Un avenir semblable à un bel arbre des tropiques dont les racines puisaient la sève dans un passé tragique.

Samuel Eliasar frappa du poing le livre ouvert sur sa table de travail. Pour une minute, il eut la révélation de l’ampleur de l’entreprise et des dangers qu’elle comportait.

― Oh ! Krühl, notre vie à tous deux est enclose dans ces quelques feuillets de papier.

Pendant une seconde il souhaita l’intervention d’un événement inattendu qui l’eût empêché de commencer l’exécution de ses projets.

Un matin, quinze jours après qu’Eliasar eût choisi son destin, Joseph Krühl décida d’aller à pied jusqu’à Pont-Aven en compagnie d’Eliasar et de Pointe.

Eliasar ne goûta pas cette proposition avec enthousiasme.

― Ah ! j’ai la flemme, mon cher. Je suis allé il y a une semaine à Pont-Aven. Non, sans