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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

que l’autorité ecclésiastique s’en mêlât pour calmer les craintes. Mais l’autorité ecclésiastique ne s’en mêle pas, et moi, simple laïque, je ne tiens pas du tout à porter sur mon dos la somme de tous les méfaits que la foudre, la mer, la grêle et l’alcool prodiguent à droite et à gauche dans le courant de chaque année. Marie du Faouët, pour l’instant, accepte la responsabilité de ces désastres. Comme elle est sale et répugnante, on l’honore, et c’est ainsi qu’elle peut se promener dans la lande où son apparition n’a rien de plaisant. Je l’ai rencontrée une fois ou deux. J’étais avec Pointe qui l’a engueulée en breton. Je ne conserve pas de cette aventure un souvenir bien agréable. Vous avez pu vous en débarrasser ?

― Oh oui, dit Eliasar qui mentait, seulement je me suis perdu et c’est en cherchant ma route que j’ai glissé dans les ronces qui dominent la mer.

Huit jours après cet événement, Eliasar tout à fait rétabli de son bain et de ses émotions était devenu l’inséparable de Krühl.

On ne voyait jamais l’un sans l’autre. Une amitié si touchante ne fut pas sans suffoquer Désiré Pointe quand il revint de Pont-Aven, le chapeau sur l’oreille, la pipe à la bouche, et faisant des moulinets avec son pen-bas.

Toutefois il eut le bon goût de ne rien laisser paraître et tout au contraire il se permit d’envi-