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L’INCONNU

― Messieurs, dit-il en s’inclinant.

Krühl baissa la tête. Pointe porta la main à son chapeau de feutre.

Vu de face et dans tous ses détails, le nouvel hôte de la maison Plœdac n’offrait rien d’hallucinant.

C’était un homme de vingt-huit à trente ans, très jeune d’allure, au visage entièrement rasé. Sa tête un peu longue ne laissait deviner aucun des vices dont Krühl et Pointe l’avaient librement gratifié. Non, l’inconnu se présentait plutôt sympathiquement. Sa figure fine s’éclairait d’un bon sourire jovial. Ses yeux noirs, incroyablement ronds, brillaient comme des yeux de jeune canard en goguette.

Dans l’ensemble il paraissait chétif, un jeune gigolo chétif. Son élégance un peu négligée devait séduire certaines dames.

À côté de lui, Krühl s’érigeait comme un temple et Pointe se laissait contempler ainsi que les ruines d’un édifice d’une qualité de construction introuvable de nos jours.

En attendant qu’Adrienne eût fini d’échauder les quelques grains d’une poussière, qui, depuis la fondation de l’établissement, servait de thé, le jeune homme, les mains dans les poches de son gilet, contempla avec un ravissement plein d’indifférence les « graffiti » qui glorifiaient la cloison de la salle à manger.

Il désigna le soldat d’infanterie du bout de sa cigarette.