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III

L’INCONNU


Krühl ouvrit l’œil, bondit hors du lit et, les doigts de pieds retroussés, courut sur les talons jusqu’à la fenêtre dont il écarta discrètement les rideaux à carreaux rouges et blancs.

Sur la terrasse qui surplombait la rivière, plié en deux contre la balustrade, un homme vêtu d’un complet veston bleu marine et coiffé d’un chapeau mou de même couleur contemplait, en fumant une cigarette, une embarcation qu’un gosse âgé de dix ans rentrait dans le port à la godille.

Vu de dos, l’étranger ne paraissait pas très important. La coupe de son veston et de son pantalon relevé d’un pli dans le bas indiquait quelque souci d’élégance.

Krühl reniflait et, la bouche entr’ouverte, tâchait à voir le visage de l’individu qui depuis la veille avait servi de thème aux hypothèses les moins honorables.

Le hasard ne favorisa pas ses désirs, aussi Krühl se hâta-t-il de vêtir un pyjama de flanelle