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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

sa chemise, déboucla sa ceinture, l’allongea sur l’herbe. Elle était vide.

― Bon Dieu de bon Dieu ! répétait Krühl en contemplant la ceinture étalée sur les cailloux, comme une couleuvre aplatie.

Anéanti par la révélation brutale du désastre, il fixait sur Eliasar un regard hébété.

Ce dernier s’était remis sur ses jambes et le dévisageait froidement. Un sourire narquois entr’ouvrait ses lèvres.

― Nous sommes faits, dit-il simplement.

― Bon Dieu ! beugla Krühl. C’est la Cubaine. C’est Chita qui m’a volé ! C’est elle qui m’a volé ! courons, courons !

Les coudes au corps, ils coururent à travers la forêt. Les branches leur fouettaient le visage, les cailloux roulaient sous leurs pieds. Ils traversèrent les hautes herbes, gravirent la colline de la caverne.

― Appelez Heresa, criait Krühl. Appelez-le, Eliasar. Vous voyez bien que je ne peux plus.

Il s’arrêta près d’un arbre, prit ses flancs à pleines mains pour calmer la douleur aiguë d’un point de côté.

― Heresa ! Eha ! Heresa !

Ils reprirent leur course vers la grève, vers la mer. Le sang battait dans leurs tempes. Derrière eux le bruit d’une galopade leur fit retourner la tête. Ils aperçurent Oliine dans ses habits de pître. Il s’arrêta dès qu’il vit qu’on le regardait.