Page:Mac Orlan - Le Chant de l’équipage.djvu/258

Cette page a été validée par deux contributeurs.
250
LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

Une branche craqua. Les cinq hommes surpris se retournèrent, et l’on vit apparaître le Russe, grotesque, la figure exsangue, grelottant de fièvre ou d’émotion.

― Messieurs, cria-t-il d’une voix claironnante, l’Annamite ne fume plus l’opium, sa provision est épuisée… alors il dit que le Chinois viendra nous chercher tous pour nous conduire dans son pays… les uns seront découpés vivants, d’autres… (Il ricana, leva les bras vers le ciel) ; Cette île, messieurs, je l’ai toujours dit, dégoûte les corbeaux eux-mêmes, car la charogne qui l’habite n’est pas appétissante.

Dannolt et Conrad tentèrent de s’emparer d’Oliine, mais le misérable sut les éviter avec l’habileté d’un joueur de rugby marquant un essai. Malgré les appels de Krühl qui tentait de l’amadouer, il prit la fuite à travers les herbes hautes qui le dérobèrent à la vue.

― Il est fou à lier, dit Krühl.

― Peut-être, répondit Eliasar. Toutefois, si cette île perdue recèle le mystère d’une tragédie abominable, j’ai la conviction qu’Edward Low, l’homme au pavillon noir, n’en est pas la cause. Nous partirons, car il vaut mieux ne pas séjourner trop longtemps ici, et nous laisserons derrière nous Oliine et son Chinois. Car cette question-là, n’est-ce pas, mon cher ami, c’est une histoire où je ne désire pas fourrer mon nez.