Page:Mac Orlan - Le Chant de l’équipage.djvu/241

Cette page a été validée par deux contributeurs.
233
LE CHINOIS

n’est pas un cauchemar, croyez-le, l’Annamite qui a vécu chez le Chinois m’en a fourni la preuve. Cet Annamite est un ancien tirailleur dont les mœurs infâmes l’indiquaient au mépris des hommes de toutes couleurs. Il m’a dit la vérité et j’ai pu rétablir, entre deux pipes, certains soirs de lucidité parfaite où nos têtes étaient de cristal, l’atmosphère et la physionomie de la cité sans nom, où, je n’ai pas honte de l’avouer, sans votre intervention, j’aurais été mourir morceaux par morceaux.

« La ville, bâtie à la chinoise, est construite au sommet d’une montagne fertile. Elle est entourée de tous côtés, je l’ai dit, d’horticulteurs consciencieux qui sèment des fleurs et les laissent pourrir sans oser y toucher. De beaux corbeaux d’ébène y séjournent quelques mois de l’année, avant d’aller reposer leurs estomacs à la campagne, en goûtant la frugale nourriture des champs cultivés.

« Certaines villes d’Allemagne, de France, et d’Italie, vous le savez aussi bien que moi, abritent plus spécialement un corps de métier quelconque dont les boutiques et les coutumes donnent à la cité une physionomie tout à fait spéciale. Cette ville de Chine tire sa caractéristique de cette circonstance qu’elle est habitée en majeure partie par des bourreaux, des maîtres bourreaux, des aides et des valets.

« En Chine, comme dans tous, les pays civi-