Page:Mac Orlan - Le Chant de l’équipage.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.
227
LE CHINOIS

Le Russe éclata de rire, assez niaisement pour se rendre antipathique à Krühl qui haussa les épaules.

― Hâtons-nous d’exécuter notre projet, fit Eliasar, et puis nous emmènerons le type. Quant à ses deux compagnons… Il n’acheva pas sa phrase.

On prit le chemin de la petite anse où la chaloupe de l’Ange-du-Nord était amarrée. En apercevant l’élégant voilier chassant sur ses ancres, le Russe poussa des exclamations de joie. Il gambadait comme un jeune lapin. Joaquin Heresa le contemplait avec l’expression d’un fox-terrier que son maître tient au collier en présence d’un chat.

― Abrégez, abrégez, murmura-t-il très bas, à l’oreille d’Eliasar.

Depuis le débarquement dans l’île, les compagnons de Krühl et Krühl lui-même se sentaient devenir la proie d’une inexplicable nervosité.

Krühl paraissait inquiet. Il réclama Chita. La belle fille débarqua à son tour et s’installa sous une tente que M. Gornedouin dressa avec l’aide de Manolo.

Bébé-Salé descendait parfois à terre mais préférait regagner le bâtiment, ainsi que les hommes de l’équipage, pour y passer la nuit. La surveillance se relâchant, on buvait ferme dans le gaillard d’avant. Tous préféraient les plaisirs qu’un tonneau de rhum leur dispensait au séjour monotone sur une île inhabitée.