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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

toire de recueillir la petite feuille verte. On trouve de jolies légendes là-dessus dans les œuvres de Lafcadio Hearn. J’ai donc vu la Chine, j’ai traité des affaires avec des mandarins qui m’ont roulé, messieurs, et puis je suis tombé, un beau jour, chez un bourgeois extrêmement bien élevé. Nous avons tiré ensemble sur le bambou, et puis et puis, c’est ici que l’histoire s’embrouille, et puis… voilà.

L’homme se frappa la tête avec la main. « C’est-à-dire que je me suis réveillé ficelé comme un objet de luxe. On m’a embarqué quelque part sur un bateau quelconque. J’ai fait tout le voyage à fond de cale, avec une dizaine de compagnons. Nous devions servir de fret. Je ne vous dirai rien, messieurs, d’un voyage accompli dans de telles conditions : c’est inconfortable et d’une banalité prétentieuse. Tous les livres d’aventures sont bourrés de voyages à fond de cale, de combats avec des rats insolents et jamais rassasiés. Donc, ne comptez pas sur moi, pour la partie descriptive de cette page d’histoire. Vous savez, chez nous, nous sommes assez nonchalants. Pourtant quand les Chinois m’eurent débarqué sur cette île et abandonné avec mes compagnons et tout un choix de conserves de bonne qualité, j’eus la faiblesse de croire que ces individus commettaient une énorme sottise en ajoutant cette dernière vexation à la série de celles que je venais de subir.