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LES MAÎTRES DE L’ILE

souffert. Nous allons établir notre campement ici sur cette colline. Vous vous restaurerez avec nous ; vous vous reposerez et demain vous nous donnerez bien gentiment les explications dont nous avons besoin. Il n’y a pas de danger à s’installer ici pour passer la nuit ? L’homme fit un geste de dénégation.

― N’est-ce pas, Heresa, j’ai raison. Il faut mieux coucher sur nos positions que de perdre du temps en revenant sur nos pas. J’ai la certitude que le mystère qui enveloppe la présence de ces malheureux sur cette île n’a rien de commun avec le but que nous poursuivons.

Eliasar regarda Krühl et se toucha le front avec l’index.

― Eh non, monsieur, je ne suis pas fou, riposta l’homme barbu ; je vous donnerai plusieurs preuves d’une lucidité d’esprit qui me valut — il se rengorgea — quelque considération dans ma jeunesse, à Moscou, mais surtout dans le sud, au bord de la mer Noire.

Peter Lâffe ramassa quelques branches et Conrad versa du café froid dans une petite marmite en aluminium. Le feu flamba joyeusement, le vent de mer couchait la fumée contre le sol.

― Autrefois, monsieur, je faisais du commerce pour une grande maison de thé ; il faut vous dire que je suis Russe. Alors, naturellement, pour traiter des marchés avantageux, j’ai pénétré en Chine par le Transsibérien, his-