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CHITA

Eliasar, la bouche décolorée, était descendu dans sa cabine. Un gros nuage gonflé ainsi qu’une outre creva sur le voilier et la grêle crépita sur le pont comme une fusillade.

À ce moment l’Ange-du-Nord, découragé, piqua du nez dans une grosse lame qui balaya le pont de l’avant à l’arrière.

M. Gornedouin pirouetta et roula dans la direction du rouf, comme un lapin boulé par un coup de fusil.

Fernand, les mains en sang, l’œil mauvais, se dérobait au travail.

― Tas de salauds ! grognait-il.

C’est alors que le grain passé, un soleil agonisant darda pendant une heure quelques rayons malsains sur la mer en furie, et tout d’un coup la nuit enveloppa d’une obscurité affreuse qui paraissait tangible l’Ange-du-Nord, secoué par tous les démons du mauvais sort.

Le capitaine Heresa resta sur le pont avec le premier quart, à côté de Manolo qui tenait les manettes de la roue du gouvernail. Quand les tribordais vinrent relever les bâbordais, ceux-ci ne quittèrent pas le pont, car la violence de la tempête et l’inconcevable sauvagerie du ciel et de l’eau qui s’acharnaient contre le bâtiment les remplissaient d’angoisse. Il ne pouvait être question de repos devant l’ampleur de la bataille que chacun allait livrer aux éléments.

M. Gornedouin, attaché au grand mât, répé-