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LA CÔTE

à lui seul de poser des questions et de donner la réponse à tous les chiens du pays pour la plus grande joie des filles de la sardinerie que cet excès de rigolade faisait tomber en mollesse.

― Ah ! ferme ! ferme, menaça Krühl. Tu ne gueulerais pas comme ça si ta femme était là.

À cette idée le sourire de Boutron se figea, ses yeux clairs connurent une seconde d’affolement. Il passa plusieurs fois ses mains de singe dans le collier rude de sa barbe blanche.

Puis il se mit à préparer les poissons pour la soupe. Krühl, devant la fenêtre, contemplait la petite rue déserte en se rongeant les ongles.

Il regarda sa montre, bâilla, revint à la table où il acheva de vider son verre.

― Vous ne déjeunez pas ici, monsieur Krühl ?

― Non, je ne sais pas. J’ai envie d’aller jusqu’à Pont-Aven. Pointe doit être là-bas avec Bébé-Salé. Est-ce qu’il y a du monde à Pont-Aven ?

― Ah ! dame non, dit Boutron, c’est comme partout, comme à Riec, comme au Pouldu.

― Est-ce qu’il pleuvra, Boutron ?

― Oh ! dame non, à moins que ça ne soye qu’un p’tit grain.

― Au revoir !