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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

répondirent : toutes les bonnes cloches catholiques appelant les fidèles vers la Purissime protectrice des Européens.

Dans une des vicoles sordides qui ont accès sur le port de la Guayra, à côté des docks, se trouve une manière de maison de danse transformée, selon l’heure et la clientèle, en bar anglais.

Le patron de cet établissement remarquable est Vénézuélien, né d’une métisse et d’un père inconnu. On l’appelle Pablo, tout simplement. Sa femme est une vieille dame maigre, au visage jaune sillonné de rides multiples. Cependant, les yeux de cette femme sont très beaux et ses cheveux noirs sans fils d’argent cachent à demi des oreilles bien dessinées où s’accrochent des boucles d’or d’un travail ancien et merveilleux. Les clients l’appellent la senora.

Presque toujours vêtue de soie noire avec une mantille de même couleur sur ses cheveux, elle se tient toute la journée derrière les jalousies qui protègent la salle où l’on consomme contre l’ardeur déprimante du soleil de l’équateur.

On trouve de tout chez la senora : du champagne, des pastèques, des bananes confites au soleil, des gâteaux de noix de coco, de la confiture de goyaves. On peut également espérer