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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

les élégances fanées du deuxième empire, avec toute la connaissance de l’éventail et de ses jeux, sous une belle voûte de palmiers au milieu des fleurs domestiques, honorée par le regard candide d’une métisse vêtue de cretonne imprimée.

Ainsi, pour l’armateur de l’Ange-du-Nord, Caracas se révélait, dans son intimité la plus secrète. Et Krühl savait bien que les déceptions dont le cortège l’attendait à terre, ne troubleraient jamais, dans l’avenir, sa belle émotion devant la mer où les galions d’Espagne laissaient encore sur l’eau la trace vermeille de leurs coffres éventrés…

Mais une chaloupe à vapeur se dirigeait vers l’Ange-du-Nord. Diligente, elle glissait sur l’eau comme un jouet mécanique.

― Je vous laisse avec les autorités, dit Joseph Krühl à son capitaine. Je descends dans ma cabine pour me mettre en tenue.

Eliasar l’avait devancé et Krühl était encore en chemise, se rasant devant sa glace, quand Samuel Eliasar, vêtu d’un complet de flanelle grise et coiffé d’un panama, pénétra dans sa cabine.

― Allons, mon vieux, dépêchez-vous. Heresa a déjà réglé la situation. Je retire tout ce que j’ai pu proclamer d’indécent sur son compte. C’est une perle que ce bonhomme-là. Il est évidemment ridicule, mais au prix où est le beurre,