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C’EST LE VENT DE LA MER

le détail. La descente à terre, dans l’île que nous aurons choisie, doit être réglée comme un ballet russe.

― Croyez-vous, suggéra le capitaine Heresa en regardant Eliasar droit dans les yeux, croyez-vous qu’un accident par exemple…

Eliasar, sans lever la tête, répondit : « Un accident… ma foi… on pourrait essayer, mais il ne faudrait pas que l’équipage se doutât de la moindre chose.

― L’équipage ? C’est tout lé gratin des meilleurs garçons du monde. On né peut pas trouver mieux qué l’équipage dé l’Ange-du-Nord. Et le lieutenant Gornedouin, n’est-il pas un homme vraiment gentil ?

― C’est une brute, répondit Eliasar. Puis il ajouta : Votre équipage boit de trop, mon vieux. Que nous, à l’arrière, passions nos nuits à vider des bouteilles de champagne en écoutant les divagations de « Bouh-Bouh-Peuh », notre gentilhomme de fortune à la noix, c’est en somme naturel et peu dangereux, pour la marche de nos affaires, mais que les Powler, Fernand, Manolo et autres Gornedouin de l’enfer ne dessoûlent pas du matin jusqu’au soir, grâce aux libéralités de cet idiot de Krühl qui trouve cela très couleur locale, me paraît plus dangereux pour nous que vous ne semblez le supposer. Tenez…

Des vociférations interrompirent Eliasar. Les cris partaient de l’avant. Une gamelle rebondit