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VERS L’AVENTURE

― Chut ! fit Eliasar en posant un doigt sur ses lèvres.

― Ah oui, c’est vrai, il ne faut pas prononcer cé mot.

― C’est pour l’équipage, ajouta Krühl en souriant.

Le voyage se poursuivit normalement, sans incident notable. L’Ange-du-Nord tenait bien la mer et méritait sa bonne réputation. Le capitaine Heresa se félicitait d’avoir à commander un tel bâtiment. L’équipage se comportait normalement. Les trois Suédois connaissaient leur métier et témoignaient de la compétence du capitaine qui les avait embauchés.

Bébé-Salé, dans sa cuisine, se tirait assez bien d’affaire, aidé par le mulâtre Powler, dont l’arrogance et la vantardise déplaisaient on ne peut plus au vieux Breton. Powler savait confectionner des gâteaux : « On a tout pa la gueule, natuellement », affirmait-il, en supprimant soigneusement les r.

― C’est-i que tu crois que tout le monde est comme toi ? répondait Bébé-Salé, qui professait pour les mets sucrés un mépris non dissimulé.

Le second, M. Gornedouin, approuvait Bébé-Salé. En dehors de cette controverse culinaire, il ne s’intéressait qu’à la manœuvre du navire. À ses moments perdus, il scrutait l’océan avec ses jumelles à prismes, cherchant dans le clapotis des vagues, une faible égratignure sur