Page:Mac Orlan - Le Chant de l’équipage.djvu/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
VERS L’AVENTURE

mement pur et il roulait des cigarettes tout en écoutant les pas sourds des matelots qui couraient sur le pont.

Le printemps naissant lui apportait une allégresse discrète qui le ravissait comme un parfum distingué.

L’Ange-du-Nord gonflait toutes ses voiles dans ce beau ciel paisible et la vie se dégustait lentement, sans effort, sans complications, avec une facilité dont Eliasar s’amusait en se laissant choir dans une paresse divine.

Il souriait en entendant Krühl s’agiter sur le pont, descendre l’escalier, ouvrir sa porte, la refermer, avec le capitaine Heresa sur ses talons.

Eliasar se sentait tellement supérieur, qu’une indulgence ingénue adoucissait sa figure, un peu rosissante sous l’inspiration d’une pensée gracieuse.

Il s’étira, allongea tous ses muscles, ravi de constater que les rouages de son corps, en apparence débile, fonctionnaient admirablement, comme les pièces essentielles de cet excellent brick-goélette dont les voiles courageuses les emportaient tous vers l’aventure.

― Ah ! soupira Eliasar, dont la pensée venait d’effleurer le but qu’il poursuivait, je voudrais que cette journée durât éternellement.

Il chassa toute précision de son esprit. Ne s’était-il pas donné congé. L’ampleur du résultat, conçu avec netteté, exigeait qu’il se reposât, le