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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

L’avant était occupé par l’équipage et la cuisine de Bébé-Salé. Une petite cabine tenait lieu de Sainte-Barbe. Krühl y fit embarquer quelques carabines à chargeurs, des munitions pour les carabines et le canon qu’il avait reçu pour se défendre contre les sous-marins. Bébé-Salé, ayant servi sur la Danaé en qualité de canonnier breveté, devait s’occuper tout spécialement de l’artillerie du bord. Il en tirait d’ailleurs une immense vanité.

Les cabines étaient meublées avec une grande simplicité. Samuel Eliasar aménagea sa pharmacie et piqua contre la cloison, avec des punaises, des gravures découpées dans un grand illustré. Ces gravures représentaient, dans l’ensemble, des jeunes femmes vêtues selon le goût du jour et déposant, aux pieds d’aviateurs à longues jambes, leur amour personnifié par un jeune polisson nu et grassouillet.

Tout en procédant à ces embellissements, Eliasar sifflait de contentement. Maintenant que le vin était tiré, il s’apprêtait à le boire, sinon avec joie, du moins avec gaieté.

À l’encontre de Joseph Krühl qui pestait contre l’exiguïté de sa cabine, Eliasar considérait la sienne comme un petit coin confortable dont la petitesse même lui donnait une réconfortante impression de sécurité.

Il frissonnait de bien-être, allongé sur sa couchette, regardant par son hublot le ciel extrê-