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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

monde : des officiers de marine en civil et en uniforme. Une jeune femme traversa la salle, se regarda dans une glace et disparut en adressant un sourire à Eliasar.

― Vous la connaissez ? demanda Heresa.

― C’est Gaby, je l’ai connue ici il y a une huitaine de jours. Pas très intelligente.

― Elle est bien habillée. Comment peut-elle sé débrouiller dans cé patélin ?

― Oh, répondit Eliasar en hochant la tête, faut pas vous frapper, mon vieux, une femme sérieuse peut mettre de l’argent à gauche. La guerre a desserré le cordon de bien des bourses. À propos, Krühl vous a-t-il fait signer la charte-partie ?

― Qui parle de charte-partie ?

Eliasar se retourna brusquement, sans pouvoir maîtriser un frisson qui lui secoua les épaules.

Krühl, jovial et son éternelle casquette enfoncée jusqu’aux oreilles, se tenait derrière lui. Il était entré sans être vu par ses deux associés.

― Il parle de charte-partie, s’esclaffa Krühl, sans connaître la valeur de ce mot. Une charte-partie, mon cher, c’est un contrat commercial entre un armateur et un capitaine, et plus souvent un traité passé entre gentilshommes de fortune pour régler les conditions de leur association, leurs parts de prise, etc.

― Et puis, fit Eliasar agressif.