Page:Mac Orlan - Le Chant de l’équipage.djvu/121

Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
L’ANGE-DU-NORD

― M. Krühl l’emmène pour jouer de l’accordéon, ricana Palourde.

― Ça serait pas toi, tout de même, qui m’empêcherais de jouer de l’accordéon, riposta Bébé-Salé, piqué à l’endroit sensible.

― Tu n’es qu’une vieille noix, répéta Palourde et, se levant, il se mit à danser, en pinçant les touches d’un accordéon imaginaire.

― Ça serait pas toi, tout, tout d’même, bégayait Bébé-Salé, pâle de fureur.

Boutron ricanait, encourageant Palourde.

― T’entends, cria Bébé-Salé.

O ! n’eo ket brao, n’eo ket brao, paotred
Da c’hoari koukou, da c’hoari merc’hed.

chantait Palourde en se tortillant.

Bébé-Salé prit une bouteille et la lança à la tête de Palourde qui sut l’éviter. La bouteille se fracassa contre le mur.

Les trois hommes debout et silencieux se regardaient, les mains hésitantes.

― Ah ! vous n’allez pas vous battre, tout de même, glapit Marie-Anne. Vous n’allez pas vous battre !

― Oh ! gast ! grogna Palourde.

D’une détente sèche du bras droit il repoussa Marie-Anne qui s’écroula dans une rangée de tabourets. Il se rapprocha de son agresseur dont les lèvres bleues tremblaient convulsivement.

― Si j’te dis rien, t’entends, Bébé-Salé ? Si