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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

Eliasar regarda le couteau, une navaja, et le fit sauter à plat sur sa paume étalée. « C’est une belle arme, déclara-t-il, et elle est bien en main. Je vous remercie, mon vieux. »

Les valises bouclées, Heresa et Samuel Eliasar prirent le train pour la Bretagne.

Le voyage fut long et fastidieux. Les deux compagnons parlaient peu. Tous deux à une portière regardaient défiler le paysage, ou, les yeux clos, regardaient défiler leurs pensées.

Plus tard, Eliasar en avait la conviction absolue, les événements se souderaient patiemment les uns aux autres. Le fruit naturellement mûri devait se cueillir sans effort. Il sentait confusément que son invraisemblable audace connaîtrait cette fois la satisfaction d’un succès dont Heresa seul pourrait apprécier l’excellence. La présence de ce compagnon lui donnait le courage nécessaire. Il se sentait moins seul et savait que son énergie ne faillirait pas devant ce témoin. Eliasar était fétichiste. Aussi remarqua-t-il la fréquence du chiffre 7, d’abord sur les portières de son wagon et sur les disques que la marche du train semblait entraîner avec les poteaux télégraphiques et les arbres dans une chute vertigineuse.