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LE BAR DU « POISSON SEC »

linge, se procura par des miracles de diplomatie un pistolet automatique avec des munitions en suffisance.

Ces courses l’occupèrent assez pour ne pas lui laisser le temps de s’ennuyer. Il acheta également un ciré et des bottes sur les conseils de Joaquin Heresa qui, de son côté, ayant touché un mois d’avance sur son traitement, se hâta de rajeunir son stock de cravates et l’horrible collection de ses chemises roses.

Heresa méprisait l’élégance de Samuel Eliasar et en général se considérait comme le seul homme à peu près digne de rajeunir la réputation des Brummel et autres dandys, dont l’histoire doit avoir probablement conservé les noms.

― Il y a des tas dé choses qué nous achèterons en route, cé sera moins cher qu’ici.

Il s’occupa également de ses armes, enveloppa soigneusement son pistolet automatique, contrefaçon espagnole des Browning, et choisit dans sa collection de poignards deux superbes couteaux catalans, dont il regardait les lames avec une respectueuse sollicitude. Il fit cadeau d’un de ces coutelas à Samuel Eliasar. « Ténez, dit-il, c’est votre commission sur l’affaire. C’est uné lame très pure et aujourd’hui introuvable. Jé tuerais un taureau avec cette lame. Jé vous la donne, et jé suis sûr qu’elle vous portera bonheur. »

Son sourire dévoila l’insuffisance de sa dentition.