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LE BAR DU « POISSON SEC »

tête. Une fille extrêmement jeune les accompagnait. Sous la clarté d’un bec de gaz, les boucles encadrant son pauvre petit visage d’alcoolique, apparurent blondes, mais avec la somptuosité d’un métal précieux.

― Jé la connais, fit simplement Heresa.

Eliasar haussa les épaules.

― C’est bien entendu, dit-il en reprenant son idée, c’est bien entendu : À bord pas de complaisance pour moi. Vous êtes mon ami, c’est évident, mais n’oubliez pas qu’avant tout vous êtes le capitaine.

― Bien sûr, répondit Heresa. Alors, c’est M. Krühl qui achète lé bateau ? J’aurais voulu voir le bâtiment avant de commencer. Il faudrait quelqué chose dé pas trop gros, trois à quatre cents tonneaux ; dix hommes d’équipage, sans compter lé cuisinier et mon sécond qué j’emmènerai.

― Ah, oui, le second ? Je n’y pensais pas. Êtes-vous sûr de lui ? Faut-il le mettre dans la combinaison ?

― Ah, naon ! Jé lé connais, né vous occupez pas dé lui, c’est un bon matélot, mais pour cé qui nous regarde, c’est moins qué rien. Jé récruterai aussi mon équipage, dans lé genre qu’il faudra. Avec la guerre, jé né trouverai peut-être pas cé qué je voudrais, mais au besoin jé changerai d’équipage en route ; car j’ai l’intention dé suivre les côtes jusqu’à Santander, à causé des