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LE BAR DU « POISSON SEC »

quand les clients sé sont butés, on leur offrirait à boire avec dé l’argent pour rentrer chez eux, qu’ils ne viendraient pas plus pour céla.

― C’est moche, dit Eliasar. J’aurais pourtant cru qu’avec la guerre, les mouvements de troupe et l’animation du port, vous auriez pu mettre quelques sacs à gauche. Évidemment, il est inutile de lutter, quand la guigne persiste, sur une combinaison.

― Et puis, dit Heresa, tous les voisins voient bien qu’il n’y a pas plus dé monde ici qué sur le toit du théâtre des Arts, alors, jé né peux pas négocier la vente du pétit « Poisson sec ». Jé reste avec ma sale affaire sur les bras.

― Du temps d’Annah, ça marchait mieux.

― Ouais, mais Annah, c’était uné femme, mujer ! uné femme ou bien uné gourgandine. Aujourd’hui, la clientèle demande dé petites poules, mais jé né veux pas d’histoires. C’est trop d’embêtements. Pas dé pétites poules !

― J’ai beaucoup de choses à vous confier, mon cher Heresa. Avez-vous une pièce où l’on puisse bavarder tranquillement ?

― Dans ma chambre ?

La chambre du capitaine se trouvait au premier étage ; deux grandes fenêtres donnaient sur la rue. Elle était meublée avec beaucoup de simplicité : un lit-cage, une armoire en bois blanc, une table en bambou, deux ou trois chaises dépaillées, une toilette encombrée de