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SONNET
DES PÂLES MACHABÉES


Depuis Choisy-le-Roi jusqu’au pont de Suresnes
On les voit lentement flotter au fil de l’eau,
Ils ont le teint blafard comme un tronc de bouleau,
Leur ventre a le ton bleu des mortelles gangrènes.

Ah ! qu’ils sont laids à voir pendant les nuits sereines
Alors qu’un hydrogène impur gonfle leur peau
Comme un chasselas bien mûr de Fontainebleau…
Et l’on entend au loin le doux chant des sirènes !

Ils s’en vont par morceaux et nous les achevons :
Des citoyens faisant de longues enjambées
Vont les cueillir avec des perches recourbées.

Ô vieux fleuve blanchi par l’âge et les savons,
Rejette de ton sein les pâles machabées,
Car cette eau-là, vois-tu, c’est nous qui la buvons !