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Il tressaillit et demeura quelques secondes farouche et rêveur.

Puis, reprenant sa promenade, il s’abandonna à sa colère. Des exclamations éclataient sur ses lèvres, au milieu de phrases décousues et incohérentes.

« Folies ! songes creux que tout cela ! La fable de Cailletet condensant l’hydrogène ! Une histoire d’invention française ! 240 atmosphères de pression ! Et Piclet, le liquéfiant, le solidifiant même, à 650 atmosphères ! Allons donc ! »

Il se croisa les bras et, considérant fourneaux, creusets et cornues placés devant lui :

« Si la chose eût été possible, est-ce que mes compatriotes d’Allemagne ne l’auraient point découverte ? Est-il un seul de ces Celtes qui soit capable d’un tel effort ? »

Mais il avait beau parler, il ne parvenait pas à se convaincre ; il n’était pas sûr de ne pas croire.

« En vérité, je ne sais pourquoi je prononce ces noms d’Allemagne et de France ? Est-ce qu’ils représentent quelque chose à mes yeux ? Ne sont-ils pas, au contraire, les monogrammes de croyances étroites, de prédilections dégradantes, des mots réalisant le plus absurde des concepts, la patrie ! Moi, je n’ai pas de patrie ; je les renie toutes. La mienne m’a flétri et condamné à mort pour une action que les brachycéphales gonflés de bière nomment « crime de droit commun. »

Il s’interrompit. Un bruit de voix passant à travers les joints de la porte venait à lui de la chambre voisine.

Oubliant le froid, il ôta ses chaussures, souffla la bougie et vint placer son œil à la serrure de la porte. Il ne s’était pas trompé : on conversait à côté de lui.

La chambre qui touchait au laboratoire était celle d’Isabelle