Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le père d’Isabelle sourit et, réclamant le silence :

« Non, messieurs, dit-il, ce n’est pas moi qu’il faut acclamer. Je ne suis qu’un instrument, le moindre d’entre vous. Nous travaillons pour l’humanité, pour la science et, faut-il le dire, pour la France, notre glorieuse patrie, pour prouver au monde que cette patrie des grands dévouements ne se laisse devancer par personne sur la voie de l’honneur et du courage.

— Vive la France ! » cria frénétiquement l’assistance.

À cette patriotique acclamation une seule voix ne se mêla point.

Ce fut celle du chimiste Schnecker. L’œil vigilant d’Alain Guerbraz ne l’avait point perdu de vue. Il put constater cette inexplicable abstention.

« Oh ! toi, pensa le Breton, je saurai bien quel genre de Deutsch couvre ta pelure d’Alsacien ! »

Mais il ne voulut encore rien dire. L’attention, d’ailleurs. s’absorbait à écouter l’exposition de M. de Kéralio.

« Deux voies peuvent s’ouvrir à nous, continua celui-ci : celle de la terre pour les traînages, celle de la mer, comme le croient tous les explorateurs du versant occidental, car le pack ne se forme que par morceaux dans le bras de mer qui nous sépare du Spitzberg. Dans la première hypothèse, et en éliminant absolument la seconde, le plus court pour nous est de remonter jusqu’au cap Bismarck, et là, de nous élancer, à travers le continent grœnlandais, jusqu’à la découverte de ce cap Washington, d’où nous remonterions définitivement vers le 83e degré, ou plutôt vers le Pôle lui-même. »

Une nouvelle salve d’applaudissements saluèrent cette déclaration.