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aucune susceptibilité, M. de Kéralio évita les allusions, même les plus lointaines, aux faits, jusqu’ici inexpliqués, qui avaient motivé des soupçons dans quelques esprits.

On s’était assis autour d’une table, près du poêle, dont les ronflements ne troublaient point la conversation générale. En sa qualité de commandant supérieur de l’expédition, M. de Kéralio prit le premier la parole.

« Messieurs, dit-il, je ne rappellerai que sommairement, et pour la forme, l’historique des expéditions polaires qui ont précédé la nôtre. Je ne parlerai même que de celles qui ont poussé le plus avant sur la voie des découvertes. En voici le résumé :

« Nous sommes présentement par 76 degrés de latitude septentrionale, c’est-à-dire sur la côte orientale du Grœnlaud.

« Les plus hautes latitudes atteintes jusqu’ici l’ont été : par Parry, le 23 juillet 1827, 82° 45′ ; par Payer et l’expédition autrichienne, les 8 juillet 1873 et 15 août 1874, 83° 7′ ; par Markham, le 12 mai 1876, 83° 20′ 26″ ; et par Lockwood et Brainard, le 13 mai 1882, 83° 23′ 6″.

« Depuis cette date, aucune tentative n’a été faite.

« Or les observations de Lockwood placent ce point par 40° 46′ de longitude occidentale, selon le méridien de Greenwich. Nous nous trouvons donc, très exactement, à 7° 24′ de ce point, et, sur la même terre, soit à vol d’oiseau et en suivant une route oblique, à 185 lieues ou, rigoureusement, à 638984 mètres.

« Il s’agit de le dépasser. Nous le dépasserons. »

Au moment où M. de Kéralio prononça ces derniers mots, une acclamation unanime jaillit de toutes les poitrines.

« Bravo ! hourra ! Vive M. de Kéralio ! »