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UNE FRANÇAISE AU PÔLE NORD

Isabelle ne se départait pas une seconde de sa vivacité et de son entrain. Elle avait même quelque hâte de voir venir l’hiver, car l’hiver ouvrirait la porte aux grandes expériences astronomiques et météorologiques. En outre, ne serait-il pas l’introducteur du printemps, époque consacrée aux explorations et aux traînages, s’il n’était pas possible de pousser l’Étoile Polaire plus avant sur le chemin du nord ?

M. de Kéralio, lui, ne partageait pas le même optimisme. Il. regrettait amèrement sa condescendance pour le « caprice » de sa fille, et redoutait pour elle la venue des grands froids. Les premières neigées, l’insidieuse pénétration de la mort sous ses aspects les plus lugubres, assombrissaient sa pensée à l’instar du firmament que le soleil allait déserter pour quatre interminables mois.

Mais aujourd’hui que « le mal était fait », qu’il n’y avait plus à revenir sur la hasardeuse détermination d’Isabelle, le père cachait ses alarmes, dans la crainte de diminuer la bonne humeur de celle-ci, et, par là même, d’amoindrir l’énergie physique et morale dont elle aurait besoin pour traverser les terribles épreuves de l’hivernage.

Tout autour d’eux, le travail s’accélérait. Dans l’une de ses excursions vers le mont Petermann, le lieutenant de vaisseau d’Ermont avait découvert une mine considérable de charbon. C’était un véritable dépôt que la nature avait mis à la portée de leurs mains, affleurant le sol. Aussi s’empressa-t-on d’en extraire la quantité suffisante pour deux hivers. Le précieux minerai fut déposé en tas sur les annexes des galeries, et il fallut même dresser à cet effet un hangar spécial à l’aide de planches de réserve recouvertes de toiles goudronnées.

On attendait le retour de l’Étoile Polaire avec une impatience