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— Bah ! répliqua d’Ermont, quand on est si myope que cela, on ne s’aventure pas à tirer. Et puis, j’ai beau faire, je ne peux arriver à comprendre qu’un tireur dont la balle passe à un pied de la figure d’un homme ait pu prendre cet homme pour un bison. »

Et il ajouta, avec cet entrain qui lui revenait en toutes circonstances :

« À nous d’ouvrir l’œil, et le bon ; sans quoi ce digne Schnecker aurait le droit de nous prendre tous pour des bêtes. »

Ses compagnons rirent du mot. Mais le sujet était trop grave pour qu’on le perdit sitôt de vue. M. de Kéralio ne put se défendre d’une exclamation :

« Mais pour quel motif aurait-il commis un pareil crime ? Nous ne lui avons jamais fait de mal. Aucun de-nous ne lui a manifesté l’ombre d’une suspicion !

— Pardon, reprit Hubert avec la même gaieté, il y a quelqu’un qui la lui témoigne depuis le premier jour ; c’est notre brave Salvalor.

— Il est certain, dit gravement le docteur, que l’argument a du poids. Je tiens l’instinct des animaux, et particulièrement des chiens, pour infaillible. »

Il s’interrompit et, s’adressant à M. de Kéralio :

« Voyons, d’où vous vient ce chimiste mauvais tireur ?

— Il me vient de Paris, répliqua le père d’Isabelle. Il venait même avec de très hautes recommandations de personnalités connues, de membres de l’institut, ou de sociétés savantes des départements.

— En ce cas, fit le docteur pensif, s’il y a eu de sa part une velléité criminelle, elle ne pourrait guère s’expliquer que