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UNE FRANÇAISE AU PÔLE NORD

demeure scientifiquement construite par M. de Kéralio et le docteur Serran. Malgré la grande élévation des latitudes, et à cause de l’absence de tout arbre, cette dernière période de l’été polaire fut remarquablement chaude. La température atteignit 16 degrés et parut ainsi insupportable aux voyageurs, d’autant plus que sur un même point elle s’élevait bien davantage.

On consacra ces journées d’inaction à la chasse et à la pêche. Isabelle de Kéralio prit sa bonne part de l’un et l’autre exercice. C’était d’ailleurs la seule distraction possible. D’autres motifs également engageaient les navigateurs à faire des provisions. On ne pouvait prévoir la durée du séjour sur ces terres désolées et il était bon de s’assurer, pour la consommation future des membres de l’expédition, la plus grande quantité possible de vivres frais.

Du reste, le gibier fut abondant, le gibier à plume surtout. Guerbraz, le meilleur tireur de la troupe, tua, dans une seule matinée, deux douzaines de canards-eiders. On abattit par cinquantaines, ou l’on prit aux filets, les ptarmigans ou perdrix polaires, les lummes et les dovekies, sorte de pigeons ou plutôt de mouettes à la chair huileuse, mais succulente.

Le matin du cinquième jour depuis l’installation à Fort Espérance, Guerbraz accourut essoufflé à la station, et répondit par mots hachés aux questions avides d’Hubert d’Ermont :

« Des bœufs ! à deux milles au nord ! »

Isabelle avait entendu le nom.

« Des bœufs ! s’écria-t-elle, des bœufs musqués ! Je suis de la chasse. »

Depuis plusieurs jours déjà la jeune fille avait revêtu un costume de circonstance. Il lui seyait à ravir et vraiment