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chimiste comme vous exige l’emploi de moyens aussi encombrants qu’inutiles pour des voyageurs comme nous.

— Comment, inutiles ! s’exclama l’Alsacien. Allez-vous me faire croire qu’on peut suppléer aux calories nécessaires sans employer les procédés de l’industrie moderne ? »

D’Ermont éclata d’un beau rire, et mettant sa main sur le bras de son interlocuteur :

« Je ne prétends pas vous le faire croire, mais vous le montrer tout simplement. Il y a gaz et gaz. Il me suffit d’avoir entre les mains un agent de chaleur dix fois, vingt fois, cent fois supérieur à ceux de l’industrie moderne pour réaliser ce miracle que vous niez, monsieur Schnecker. »

Le chimiste hocha la tête.

« Je ne nie pas, monsieur d’Ermont, je doute. C’est autre chose. »

En même temps son front se plissa, et il jeta un mauvais regard oblique sur le lieutenant de vaisseau.

Isabelle de Kéralio surprit ce regard, mais elle ne laissa rien paraître de l’impression qu’elle en ressentit, se réservant d’observer plus attentivement ce participant suspect de la vie commune qu’on allait mener. Toutefois elle se rappela que, naguère à bord de l’Étoile Polaire, son fiancé avait lui-même froncé le sourcil au nom de M. Schnecker et communiqué en quelque sorte au fidèle Salvator l’animadversion qu’il éprouvait à l’endroit du chimiste.

« Rivalité de savants, se dit-elle ; il n’y a que cela en eux. »

Et comme Isabelle était la plus confiante, la plus généreuse des créatures, elle ne laissa pas sa pensée s’arrêter plus longtemps sur le deuxième incident que sur le premier.

On fut bientôt à même de reconnaître les avantages de la