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UNE FRANÇAISE AU PÔLE NORD

« Patience ! Tout, cela va changer. N’oubliez pas que nous sommes dans la partie la moins encombrée des mers polaires. Nous ne devrons compter qu’à partir du Groenland. »

Il disait vrai. Ce fut en vain que de l’extrémité méridionale du Spitzberg on essaya de s’élever directement vers le nord. Le pack, ou champ de glace, arrêta L’Étoile Polaire dès le second jour de la navigation. Il fut même impossible de maintenir la route vers l’ouest sur le 78e parallèle, les avancées des isbrèdes drossant le navire vers le sud.

On dériva ainsi de trois degrés. Puis le champ de glace s’ouvrit de nouveau sous l’action d’un courant chaud. Le commandant Lacrosse se dirigea obliquement vers le nord-ouest. Le 25 juin, on avait regagné le 77e degré, et la côte du Groenland apparut bordée d’une frange glacière d’environ 35 milles de développement. Le cap Bismarck accusa sa noire silhouette dans le nord.

Obligée de surveiller ses abords, L’Étoile Polaire marchait sous une allure très modérée, à peine huit nœuds. À mesure que le navire s’avançait dans le nord, les glaces se faisaient plus nombreuses. Maintenant elles se suivaient sans interruption, en chapelet d’îlots d’inégale grandeur. Il n’y avait jusqu’à présent que des blocs à surface plane, des fragments d’ice-fields. Mais il en venait de moins plats, bossues de boursouflures, hérissés de fines aiguilles, zébrés de fentes longitudinales, avec des cassures nettes et brillantes comme des arêtes de verre brisé. Derrière ceux-là, d’autres apparaissaient, plus hauts, plus larges, qui de loin affectaient des formes bizarres. Quelques-uns donnaient à l’œil la sensation de voiles lointaines aperçues à l’horizon ; et l’on voyait grossir et s’accroître la flottille à mesure que l’on se rapprochait du grand fiord de