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pourtant depuis longtemps. Elle avait pris le deuil, en promettant à la pauvre morte de transporter ses restes jusque sur cette terre de Bretagne, terre natale où elle avait voulu reposer. Il fallut bien des jours pour dissiper ce nuage de tristesse épandu sur le front charmant de Mlle de Kéralio.

Mais elle ne put se défendre de ressentir une noble fierté devant les acclamations délirantes de la foule. Appelés à Paris par le vœu des populations enthousiasmées et aussi par le désir des autorités, les survivants de l’expédition parcoururent cette dernière étape en véritable marche triomphale. Ils durent subir tous les inconvénients de la gloire, mais ils en avaient aussi les douceurs.

Le Président de la République voulut les recevoir, les complimenter lui-même à l’Élysée. Les ministres et les sociétés savantes leur prodiguèrent les ovations et les récompenses. On applaudit même au décret qui octroyait la croix de la Légion d’honneur à l’héroïque Française dont le nom figura avec éclat parmi ceux de MM. de Kéralio, du commandant Lacrosse, du lieutenant de vaisseau Hubert d’Ermont, des lieutenants Pol et Hardy, du docteur Servan et du maître Guerbraz. Des médailles d’or commémoratives furent remises aux autres membres du vaillant équipage.

Au banquet qui leur fut offert, M. de Kéralio, répondant au toast du ministre de la marine, s’écria :

« Oui, messieurs, nous avons pu atteindre le Pôle pour l’honneur de notre chère France, mais nous avons fait mieux en ouvrant la voie à de nouveaux pionniers. »

Et comme le commandant Lacrosse disait en soupirant :

« N’importe ! il est dommage que l’Étoile Polaire n’ait point pu forcer la barrière elle-même !