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bien autrement redoutables. Une ardeur invincible l’animait. Tous voulaient regagner victorieusement la patrie.

Lorsque, sortie enfin de la crique longue, l’Étoile Polaire vit diminuer à l’horizon les côtes désolées de l’ile Courbet et s’ouvrir les perspectives de l’océan libre, un hymne d’allégresse et de reconnaissance s’éleva vers Dieu. On avait eu bien des deuils à déplorer, on avait connu l’adversité et la trahison. De quarante-trois qu’on était au départ de Cherbourg, on ne revenait plus que vingt-huit, et encore fallait-il craindre de perdre du monde sur ce chiffre, puisqu’on avait huit malades à bord. Mais l’espoir s’était rallumé dans tous les cœurs ; on ne se souvenait plus des malheurs subis.

Il ne fallait pas songer à rallier le cap Washington, mais bien plutôt à profiter des avantages qu’offrait un printemps précoce et exceptionnellement chaud. On abandonna donc la maison de planches. Une prochaine expédition serait heureuse d’y trouver un gîte tout préparé et des provisions soigneusement enfouies dans des caisses construites avec soin. D’ailleurs il y avait nécessité absolue à assurer le plus tôt possible aux malades un moyen d’améliorer leur position s’il en était temps encore.

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Ce fut une belle matinée de juin que celle où l’Étoile Polaire, après deux mois d’une dure navigation, jeta enfin l’ancre sur la rade de Cherbourg. Hélas ! les prévisions cruelles ne s’étaient que trop justifiées. Sur les côtes de l’Écosse, la bonne nourrice Tina Le Floc’h s’était éteinte entre les bras d’Isabelle de Kéralio, en lui prodiguant, à travers les hoquets de l’agonie, les plus tendres paroles de sa bouche expirante.

La jeune fille n’avait pu se consoler de cette mort, prévue