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d’un moment où toute l’armée des ours, pressée par la faim, donnerait l’assaut au steamer.

À l’intérieur, l’état des malades ne s’améliorait pas. Vers le 15 mars une recrudescence du froid obligea les hivernants à se claquemurer derechef. Le mercure avait gelé une fois de plus, et la glace du pack, qui paraissait à la veille de se rompre, avait repris son épaisseur et sa consistance antérieures.

Le scorbut fit son apparition parmi les hommes valides des trois escouades.

Le 20, la troupe ne pouvait plus compter que sur un chiffre de vingt-quatre matelots, et, chose plus grave, le docteur Le Sieur, l’aide et l’ami du docteur Servan, dut s’aliter en personne, succombant à l’excès de fatigue que l’on avait dû s’imposer. Cette maladie du médecin n’était pas faite pour relever le moral de l’équipage.

Mais ce qui affligeait peut-être le plus cruellement les témoins de ce lugubre drame, c’était le spectacle de la lente agonie de Tina Le Floc’h. La pauvre nourrice, en effet, se mourait, et ses derniers jours étaient encore attristés par l’impossibilité où l’on se trouvait de lui procurer le moindre adoucissement.

Isabelle, brisée de fatigue, ne quittait plus le chevet de sa compagne.

La mourante n’avait conservé aucune illusion ; résignée à son sort, elle n’éprouvait qu’un regret, celui de ne point revoir la terre d’Armor.

Et Mlle de Kéralio redoublait d’énergie et de soins pour prolonger une existence désormais condamnée.

Cependant l’atmosphère intérieure devenait irrespirable.