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commandant Lacrosse, la seconde Hubert d’Ennont, la troisième le lieutenant Hardy.

Chacune d’elles se vit assigner un jour de garde et une fonction déterminée.

Jusque-là on ne s’était préoccupé que très médiocrement de cette ennuyeuse compagnie. Il fallut pourtant lui faire l’honneur d’une plus grande attention, lorsqu’on vit son nombre s’accroître dans de fantastiques proportions.

« Ah çà ! il pleut des ours dans ce pays-ci ! » s’exclama le lieutenant Pol, en prenant le premier son quart sur le pont, et en inspectant la glace du pack.

« Que voulez-vous dire ? interrogea Bernard Lacrosse, qui avait entendu l’exclamation.

— Dame ! commandant, lit le jeune officier en riant, voyez vous-même. Hier, il y avait vingt-deux de ces satanées bêtes autour de nous : je veux être pendu s’il n’y en a pas cinquante aujourd’hui. »

Le commandant Lacrosse n’eut qu’un coup d’œil à jeter sur les alentours du navire pour s’apercevoir que le lieutenant n’exagérait pas.

Les ours étaient de tous les côtés, et le chiffre de cinquante, si extraordinaire qu’il parût, n’avait rien d’outré. Il en conçut une véritable inquiétude.

« Il s’est donc passé quelque chose d’extraordinaire dans ces régions ! » s’écria-t-il.

On se concerta de nouveau. La situation, sans être absolument critique, n’en était pas moins inquiétante.

En effet, il devenait impossible de sortir du navire, et la présence de ces hôtes dangereux laissait prévoir la venue