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Pendant ce temps, Hubert d’Ermont, le lieutenant Hardy, le docteur Servan, M. de Kéralio et Isabelle employaient une partie de leurs loisirs à rédiger le rapport de leur voyage, le compte rendu détaillé de cette expédition sans précédent, sans analogue, si remplie de péripéties émouvantes, si pleine de résultats inespérés.

Le 10 mars, s’opéra la jonction des deux troupes.

Mais elle s’accomplit en des circonstances et dans des conditions dont aucun des membres de l’expédition ne devait perdre la mémoire.

Depuis que la décision en avait été prise et notifiée aux hivernants de la côte grœnlandaise, chaque jour une escouade de six hommes se risquait hors du navire et s’aventurait sur le pack, le plus avant possible, à la rencontre de ceux dont on attendait la venue. Ces courses n’allaient pas sans périls de toute sorte, la glace subissant tous les jours des altérations profondes dans sa surface et dans sa constitution. À chaque pas, les mêmes obstacles que l’on connaissait déjà surgissaient ; l’océan, dont on sentait la présence dans l’agitation incessante de l’instable écorce qui recouvrait sa surface, tendait les mêmes pièges effrayants : crevasses aussitôt refermées qu’entr’ouvertes, allées d’eau inattendues, fissures dans les monticules pressés des hummocks. En outre, se fondant sur les observations de Lockwood et de Brainard, les marins de l’Étoile Polaire étaient autorisés à croire que, malgré les froids terribles de l’hiver, la côte du Groenland offrait moins de sécurité que la nappe de glace qui s’étendait en deçà d’elle.

Ce jour-là, la colonne avait parcouru 6 milles, lorsqu’elle vit surgir devant elle la troupe qu’elle allait rejoindre.