Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maintiendrait les deux stations. Il semblait en effet plus pratique et plus prudent de réunir tout le personnel, soit à bord du steamer, soit dans les baraquements du cap Washington. Cela rendait plus faciles les soins à donner aux malades, et surtout, cela permettrait aux deux médecins de ne point isoler leur action. Enfin, avantage précieux, cela réduisait considérablement la dépense de luminaire et de combustible. On s’arrêta donc à ce parti, le plus sage, et l’on donna l’ordre aux gardiens de la station du sud de rallier au plus tôt l’Étoile Polaire et le poste de l’île Courbet.

Le conseil eut également à statuer sur le sort du traître Schnecker, toujours gardé à vue.

Reconnu coupable à l’unanimité, condamné à la peine de mort, le chimiste ne dut son salut qu’aux prières d’Isabelle. La jeune fille se présenta, des larmes plein les yeux, devant les juges.

« Messieurs, supplia-t-elle, je n’invoquerai pour vous attendrir qu’une seule considération. Douze des nôtres sont déjà morts au champ d’honneur de notre entreprise. D’autres, dont nous ignorons le nombre, tomberont probablement encore, et mon cœur a déjà pris le deuil d’une existence qui m’est particulièrement chère. Je vous en supplie, n’ajoutez pas, par l’exécution d’une sentence aussi rigoureuse que juste, un moyen nouveau à ceux dont la mort se sert pour faucher dans nos rangs. Ne mettez pas une tache de sang, même honorable, sur vos mains. Je sais que cet homme est un misérable, qu’il a attenté à la vie de chacun de nous et à celle de l’universalité. Je sais que, par son crime, deux de nos plus vaillants matelots sont morts, et que le chef de notre expédition, mon père, a