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dance de vivres frais, si l’on manquait surtout des merveilleuses ressources de la terre improvisée l’hiver précédent, on avait encore des conserves en quantité suffisante pour fournir à toutes les exigences de l’appétit le plus vorace.

En outre, les chasseurs de l’équipage n’avaient point encore perdu l’espoir de quelque heureux coup de fusil avant la venue de la redoutable nuit polaire. Même, on avait reçu du cap Washington des assurances très réjouissantes sur la présence d’un gibier aussi varié que nombreux pour les fusils de la campagne d’automne.

Ce n’était donc pas du sort des hommes valides et en bonne santé qu’il y avait lieu de se préoccuper.

Malheureusement, le moral était atteint. Le spectacle de ces morts survenues en si peu de temps et d’une manière presque foudroyante avait assombri les fronts et relâché les énergies. On avait appris, au retour de M. de Kéralio, quel avait été le sort de ses deux compagnons de vaillance et de misère. De plus, quelques cas de scorbut s’étaient produits, bientôt compliqués d’une dysenterie épuisante, qui, en moins de rien réduisait les pauvres malades à un état de faiblesse physique et de dénuement intellectuel absolus.

Isabelle s’était sur-le-champ vouée à la besogne de soigner le personnel, et elle avait fort à faire.

On la voyait se multiplier, portant partout le soulagement des maux physiques, la consolation et l’espérance pour les souffrances morales. Mais elle avait besoin elle-même de tout son courage pour ranimer celui de ses compagnons, surtout lorsqu’elle se trouvait en présence de douleurs qui l’affligeaient personnellement. Et c’était là surtout son cas en face de la maladie de sa nourrice Tina Le Floc’h.