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face une branche d’arbre préalablement dépouillée de son feuillage et agrémentée d’un morceau d’étoffe de couleur.

La branche parut tout d’abord devoir garder indéfiniment sa position.

Mais, le temps s’écoulant, elle s’éloigna insensiblement du bord et gagna le large, non en suivant le diamètre du lac, mais en décrivant une ligne courbe qui lui fit parcourir successivement tous les points cardinaux. Au bout de six heures, les eaux avaient disparu sous leur couche de brouillard. Hubert n’eut plus alors qu’à jeter la sonde. La corde ramenée accusa 60 mètres de profondeur. On était donc renseigné. Le fond de la nappe était à 120 mètres, un peu plus, un peu moins, en tenant compte de la hauteur différente des bords.

Le cinquième jour s’était écoulé depuis que les hardis jeunes gens avaient quitté leurs compagnons au bord du pack glacé. Ils n’avaient emporté que quinze jours de vivres, et il fallait songer au retour. Hubert répétait même en riant, avec une variante, le vers de La Fontaine :

Ce n’est pas tout de voir, il faut sortir d’ici.

Jusque-là, tout leur avait entièrement réussi. À part quelques incidents de détail, incidents plus pittoresques qu’inquiétants, ils avaient vu la voie s’ouvrir assez large devant eux. Maintenant, le problème était d’une exceptionnelle gravité.

Cette terre du Pôle, cet îlot invraisemblable était situé à quelque quatre cents mètres au-dessous du niveau de la mer. Bien plus, la mer le ceignait d’un infranchissable bourrelet de vagues, et, au delà, recommençait la barrière rocheuse sur laquelle on était bien passé une première fois, mais dont il fallait retrouver le mystérieux chemin.