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rant idéalement un angle-droit, il se mit à remonter vers le sommet de cet angle.

On marcha à travers une sorte de forêt naine. Des plantes de toutes essences, depuis la fougère des terres humides jusqu’au palmier des zones tropicales, se pressaient devant les pas des voyageurs. Ils parvenaient à grand’peine à s’y frayer un chemin. Quant à la faune, elle était des plus rares. Çà et là quelques papillons s’enlevaient au-dessus de fleurs d’orchidées de l’aspect le plus bizarre. Quelques oiseaux, analogues à l’hirondelle et au bruant des neiges, leur donnaient la chasse. Des lézards d’une figure singulière rampaient entre les quartiers d’une terre si compacte qu’on l’eût crue faite de blocailles d’argile.

Mais, à mesure qu’ils s’avançaient, les voyageurs sentaient le sol s’abaisser sous leurs pieds.

Décidément l’effet de la rotation ne se faisait point sentir seulement sur la mer, mais sur la terre elle-même. Le Pôle, déjà si plein de révélations surprenantes, leur en réservait sans doute beaucoup d’autres.

« Si nous continuions ainsi, s’écria gaiement Isabelle, le centre du monde pourrait bien être un trou.

— Vous ne croyez pas dire aussi juste, mademoiselle, fit Guerbraz. Regardez un peu par là-bas. »

Ils venaient d’atteindre un point de la descente d’où, par une déchirure du rideau de verdure, l’œil pouvait plonger jusqu’au cœur de l’ilot.

De chaque côté, les coteaux dévalaient d’une douceur égale et régulière, vêtus d’un tapis de verdure. Une vallée circulaire était au fond, et au milieu de la vallée était un lac, aux eaux si calmes, si limpides, qu’on l’eût pris pour une aire d’argent massif, n’eût été la présence au centre même d’un jet d’eau