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arbustes nains, mais admirablement pourvus de feuillage, y déployaient toutes les séductions d’une flore inconnue sur toute autre partie du globe. À la douceur extraordinaire de la température, on s’apercevait bien vite qu’un éternel printemps régnait en ce centre immobile qui n’avait d’autre vent que la brise du remous circulaire de l’océan, d’autre pluie que la rosée délicate des embruns retombant en une poussière fine de gouttelettes impondérables.

À peine la Grâce de Dieu eut-elle dépassé le niveau de la bordure, qu’entraînée par son seul poids, elle glissa sur la masse compacte de l’eau condensée comme sur la face d’un miroir, et vint tout doucement s’échouer sur le sable ceignant l’île polaire.

« En vérité ! s’écria Isabelle en ballant des mains, ceci doit être l’entrée du Paradis !

— C’est vrai, répondit Hubert, et j’avoue que cela confond toutes les idées que je m’étais faites du Pôle.

— Parbleu ! plaisanta Guerbraz, je m’étais toujours laissé dire que le pôle devait être occupé soit par une mer sans bornes, soit par un volcan sans cesse en éruption.

— Oui, Guerbraz, confessa d’Ermont, et il est certain que les savants avaient toutes sortes de raisons pour le croire. Mais, voilà ! on ne tenait pas un compte assez exact du phénomène de la rotation, et présentement il est manifeste pour nous que la force centrifuge suffit à expliquer ce phénomène. Seulement, j’avoue qu’une seule chose me paraît inexplicable dans ce que nous voyons.

— Quoi donc ? demanda curieusement Isabelle de Kéralio.

— Mais ceci, tout simplement. La durée de la nuit polaire, au Pôle même, doit être exactement de six mois. Que de-