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touchez là le point sensible, le point douloureux de mon rapport. Je suis obligé de soupçonner quelqu’un, de formuler une accusation, d’autant plus grave qu’elle exige une pénalité. Si mes deux matelots sont morts, si j’ai failli mourir moi-même, c’est parce que le combustible nous a brusquement fait défaut.

— Le combustible ? interrogea vivement Hubert. Mais n’aviez-vous pas emporté plusieurs tubes d’hydrogène liquéfié ? N’en aviez-vous pas pris une quantité suffisante ?

— Au contraire. La quantité eût largement suffi, puisque nous emportions dix tubes, représentant ensemble environ huit cent mille litres de gaz. La manœuvre du sous-marin n’en exigeait pas plus de la moitié. Jugez de ma stupeur et de mon désespoir lorsque je constatai, hélas ! que sur les dix tubes, cinq étaient vides !

Vides ! s’écrièrent tous les auditeurs à la fois surpris et indignés.

— Vides, reprit le père d’Isabelle, ou plutôt vidés par la malveillance. L’écrou à volant avait été dévissé, et depuis longtemps les capillarités ne contenaient plus un atome de gaz. Le crime — car c’est là un véritable crime — a dû être commis soit à bord, soit pendant notre hivernage au cap Ritter. Je n’ose prononcer aucun nom. Il en est un, cependant, qui me vient spontanément au lèvres.

— Hermann Schnecker ! s’écria Hubert presque avec violence. Quand je le disais !

— N’accusez encore personne, mon cher Hubert, interrompit gravement M. de Kéralio. Le temps nous débrouillera ce tissu de scélératesses. Nous ferons une enquête sérieuse. »

Alors il raconta toutes les péripéties de cette émouvante