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Une idée vint tout à coup à l’esprit d’Hubert. Il demanda à Guerbraz :

« Et le chien ? Qu’avez-vous fait du chien ? A-t-il suivi Mlle de Kéralio ? »

Guerbraz eut une hésitation. Puis il répondit :

« C’est probable, capitaine, car depuis que la demoiselle nous a quittés, nous n’avons plus vu le chien. »

D’Ermont poussa un soupir de soulagement, et leva les yeux au ciel.

« Dieu soit loué ! C’est une chance de plus pour Isabelle. Pourvu que nous arrivions à temps pour les autres ! »

Quelque bonne volonté qu’on mît, malgré l’emploi des raquettes, ces larges semelles de peau tendues sur des baguettes de bois et qui facilitent singulièrement la marche, les hommes étaient épuisés. Trois d’entre eux tombèrent, et ne se relevèrent que pour retomber au bout de quelques pas. Le froid devenait terrible. À minuit le thermomètre accusait 54 degrés au-dessous de zéro.

Hubert fit dresser les tentes. Comme le ciel était pur et que l’on n’avait aucune menace de neige à redouter, le lieutenant de vaisseau donna l’ordre de préparer le repas immédiatement. Afin d’en faciliter la cuisson et aussi pour réchauffer les malheureux engourdis par le froid qui grandissait d’heure en heure, il fit sous la plus grande des deux tentes la première application du fourneau à gaz que l’on avait emporté. L’hydrogène des tubes eut donc son rôle même hors du navire et des baraquements.

On conçoit que, pour lui-même, d’Ermont n’éprouvât aucune pitié. La pensée de la disparition de sa fiancée l’affolait. Il prit à peine quelques gorgées d’un potage bouillant et s’élança